jeudi 24 avril 2008

Mamooth, Coté Noor…Coté Noir


Artiste : Mamooth
Album : Coté Noor…Coté Noir
Distributeur national : Belda Diffusion
Production : Mamooth, Morphine, Dey Med.
Année : 2005



« École du yin/yang : École philosophique chinoise (IV e -III e s. av. J.-C.). ¾ Elle établissait une opposition dialectique entre deux principes de la réalité : le yin (femme, passivité, ombre, absorption, Terre) et le yang (mâle, activité, lumière, pénétration, Ciel). » - Larousse 2003

Certains doivent sûrement se demander « mais pourquoi il commence cette chronique par l’explication du Yin et du Yang ? ». La réponse est toute simple messieurs : contemplez bien la pochette du solo de Mamooth, membre d’Art Mùr Hostile revenu en solo après une longue période glaciale passée à peaufiner son premier album dans une caverne éloignée…l’attente a été longue d’autant plus que de nombreuses espèces passées au stade de fossiles on cédé la place à d’autres spécimens en voie d’apparition.

« Coté Noor…Coté Noir » est tout d’abord une pierre ajoutée à l’édifice d’un nouveau rap algérien qui commence à trouver son salut musical dans l’autoproduction, ultime solution pour tout rappeur souhaitant avoir une plus grande liberté créatrice, laissant le soin de la distribution aux éditeurs en attendant de tout prendre en main (quoi que …).
Au même titre que M’hend (MBS), Mamooth nous laisse finalement découvrir sa facette cachée (ou son Yin ?) : celle de faiseur de sons et c’est avec la double casquette de mc/beatmaker que Khalil (de son vrai prénom) nous livre son premier disque !

Mamooth le lyriciste :
Ayant déjà acquis le statut d’excellent parolier au sein d’Art Mùr Hostile, Mamooth innove cette fois en exploitant adroitement le concept de l’opposition à travers des morceaux qui mettent en exergue les contradictions de la société algérienne à l’image du lucide Rani natkhayel ouala sah ? : « D’un coté le commerce monte en flèche et de l’autre coté le chômage fait des ravages » ou des thèmes plus personnels à commencer par « Mane habche » (version allégée du morceau en collaboration avec Dey Med, dispo sur le net) dans lequel sa haine et ses passions sont confrontées : « j’aime pas le piston, qui ne mérite pas un coup de pouce ? », « j’aime monter le volume à fond dans le casque, voyager loin ».
Cela dit, le rappeur ne s’est pas basé uniquement sur un seul concept, laissant la place à l’egotrip (« À part n’touma chkoune yafhem ») mais hélas sans éviter le cliché et l’ultra ressassé à commencer par le lourd « Aaglyia à Jeter », énième morceau anti-arrivistes ou « Hommage Sghir » ainsi que le trop démago « Littoral Aadjeb » (sorte de « Aouama » sans rai) qui démontrent que Mamooth tombe par moments dans le piége de…la rime facile. Par besoin de se faire comprendre par une plus grande audience ? En tout cas on est loin de « Malgré… » qui place la barre très trés haut en matière d’écriture.

Mamooth le producteur :
S’inscrivant dans la mouvance new school qui se reconnaît plus dans les sons de Timbaland, Swizz Beats ou les Neptunes qui ont ouvert la voie à l’utilisation de sonorités synthétiques ou à l’échantillonnage de musiques exotiques, Mamooth, ayant signé la quasi-totalité des prods de son opus prouve qu’il est aussi à l’aise en manipulant les samples qu’en composant ses propres mélodies, encore deux principes musicaux opposés ?
On retient surtout les instrus de « Mane Habche » et sa flûte envoûtante ou l’asiatique « Jeunesse Metahda », proche des ambiances mystiques qu’on retrouvait dans l’album de Shurik’n. Certains (y compris moi) trouveront le morceau « A Part N’touma … » peu original puisque rappelant fortement par sa structure rythmique, ses sonorités et ses caisses la touche « bounce » du duo de producteurs Neptunes. Cependant, le beat de « Littoral Aadjeb » confirme que Mamooth peut faire dans l’accrocheur et le personnel.
Même s’il ne ravira pas les puristes, le producteur qu’est Mamooth vaut pour son éclectisme, son ouverture, la fraîcheur de ses instrus et surtout son mixage irréprochable !

Mamooth le collaborateur : Ayant trouvé le juste équilibre entre l’album purement solo et la compilation, Mamooth s’est contenté de 3 rappeurs en featuring : un nom vendeur, un acolyte microphonique et un jeune loup en quête de buzz.
Le seul fait de mentionner le nom de Lotfi est un argument de vente, peu importe si sa prestation casse des briques (ce qui est trop rare) ou laisse perplexe. En parlant de prestation, ce dernier, convié sur le morceau populiste « Hommage Sghir », reprend sa formule habituelle (pourquoi la changer ?) mais bon…m’enfin bref, il a pu balancer un 16 mesures sans prononcer une seule fois son éternel « Kima » : saluons l’exploit !!! (Je mourrais d’une balle dans le dos un de ces 4 moi).
M’hend alias DeyMed du groupe MBS qui forme avec Mamooth le groupe Syndikat 19, produit et pose sur « Malgré… » (bombe textuelle !), un morceau qu’on peut musicalement qualifier d’alternatif voire expérimental comparé au reste de la galette car là où Mamooth est allé piocher dans les boucles accrocheuses, DeyMed a préféré opter pour l’oppressant : basse synthétique prononcée, piano distordu, fond bizarroïde et grain métallique. Même si M’hend a un timbre de voix ordinaire il a le mérite d’être celui qui a techniquement évolué au sein d’MBS de même qu’il risque de s’imposer dans le domaine de la prod.
Malgré un mélange pas évident du dialecte algérien et de la langue française, le jeune Taaryk prouve que talent ne rime pas forcément avec age, à suivre de prés !
Mamooth n’a pas surchargé « Coté Noor.... Coté Noir » en featurings mais on aurait souhaité par exemple plus d’échange entre lui et ses invités vu que ces collaborations laissent une impression de « ouais je pose mes couplets, le refrain et je te laisse un 16 mesures vide » bien que « Malgré… » soit une exception.

Mamooth le rappeur : Ayant visiblement passé plus de temps à travailler le support musical qu’à faire preuve de richesse « flowistique », notre cher rappeur s’est enfermé dans un style répétitif, monotone et imprécis qui finit par lasser dés les premières écoutes, ne devant son salut qu’à un timbre de voix charismatique et reconnaissable entre mille !
Les couplets posés d’une manière approximative ou les allongements hasardeux des dernières syllabes à la fin des mesures me poussent à dire que Khalil est largement meilleur producteur que rappeur. Il est tout de même nécessaire de préciser qu’il est relativement plus à l’aise sur des beats carrés !

« Coté Noor… Coté Noir » est un album de rap algérien cohérent (ce qui n’est pas très courant de nos jours) avec une touche populaire (parfois trop) renforcée par des interludes intelligemment tirées du film culte « Les Enfants du Soleil », Le rappeur a pu innover en partant d’une idée de base qui revient souvent sans pour autant rendre ses morceaux identiques d’un point de vue textuel. Si les djeunz vont choper cet album pour écouter le duo avec Lotfi, si les gens qui ne connaissent du rap algérien que son coté « documentaire » vont se jeter dessus histoire d’écouter « des textes engagés qui expriment la misère » sans faire attention au reste, les autres risquent d’avoir une autre opinion : Mamooth est un mc moyen, un lyriciste imprévisible mais un producteur confirmé.

NEO AMC a.k.a Sang Rank’une

Tracklisting :
1- N’goul Bism Allah.
2- Hommage Sghir feat. Lotfi Double Kanon
3-Rani natkhayel ouala sah ?
4-Mane Habche
5-Skit Mouldia
6-Système Masmoum (produit par Morphine)
7-Aaglyia a jeter
8-Skit Mimi
9-Malgré…feat. et (produit par) Dey Med (MBS)
10-A part N’touma Chkoune Yefham
11-Littoral Aadjeb
12-Skit Cheb H’mida
13-E’lahna
14-Jeunesse Metahda feat. Taaryk
15-Dzair Mssid

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